Holocauste : la Mémoire en héritage

Mercredi 27 janvier se tenait la Journée internationale des victimes de l’Holocauste. Ce moment d’hommage est aussi un moyen de transmettre la Mémoire des survivants de la Shoah vers la jeune génération. Un travail essentiel alors que les actes antisémites et racistes ont augmenté ces dernières années.

Le regard fixé sur l’écran du vidéo projecteur, ils sont comme hypnotisés. Ces élèves du lycée Joseph Gallieni de Toulouse écoutent attentivement le témoignage de Ginette Kolinka, survivante du camp d’Auschwitz-Birkenau. Une narration longue et poignante de l’enfer qu’elle a vécu dans ce camp de concentration et d’extermination. Cet échange de plusieurs heures s’est déroulé par visioconférence mercredi 27 janvier lors de la Journée internationale des victimes de l’Holocauste.

Accompagnée d’Annette Wieviorka, historienne spécialiste de la Shoah, Ginette Kolinka a été invitée à raconter ce qu’elle a vécu, là-bas, en Pologne. À chaque fin de phrase la rescapée marque une pause. Durant ces longs silences, les quelques jeunes rassemblés dans les locaux de leur lycée échangent des regards horrifiés.

Un tel moment « n’a pas pour but de perpétuer la Mémoire de l’horreur mais d’apprendre aux élèves à être vigilants, à défendre les valeurs démocratiques et à combattre l’intolérance », explique le ministère de l’Education.

Au total, près de quatre cents élèves et une centaine d’enseignants provenant de quatorze lycées de la région Occitanie assistent à la conférence. « La transmission est le mot clé de cette édition 2021, qui valorise les combats et valeurs que les jeunes ambassadeurs ont choisi de restituer, en tant que nouveaux dépositaires de cette histoire et de cette Mémoire », écrit le mémorial de la Shoah de Paris.

La date du 27 janvier n’a pas été choisie au hasard. Elle est porteuse d’une puissante symbolique. Celle de la libération des camps d’Auschwitz-Birkenau, il y a 76 ans. Dans la matinée du 27 janvier 1945, une avant-garde à cheval d’éclaireurs soviétiques arrive dans la zone du complexe d’Auschwitz et découvre le camp d’Auschwitz-III Monowitz. Dans l’après-midi, les camps d’Auschwitz-Birkenau puis le camp principal d’Auschwitz-I sont atteints successivement. À l’arrivée des troupes russes, 7 000 survivants sont encore présents, dont 200 enfants. Les nazis ne sont pas parvenus à les exécuter ou à les faire partir durant les « marches de la mort ».

Le devoir de Mémoire est plus qu’important aujourd’hui. Les actes antisémites et racistes sont en recrudescence ces dernières années. Des cimetières juifs ont été profanés et les agressions se sont multipliées. En 2019, le ministère de l’Intérieur chiffrait cette hausse à 27% par rapport à l’année précédente.

Environ un million de juifs sont morts au camp d’Auschwitz-Birkenau @Creative Commons CC BY-SA 3.0

Arsenal éducatif

La transmission intergénérationnelle de la Mémoire passe en premier lieu par les professeurs. « Grâce au cinéma, à leur arrivée au lycée, les jeunes ont souvent déjà entendu parler d’Hitler et du génocide des Juifs, mais ils n’ont pas une connaissance profonde du sujet », explique Maxime, professeur d’histoire en banlieue parisienne. C’est pourquoi les enseignants essaient de sensibiliser davantage les élèves, du CE2 à la terminale, en organisant des ateliers ou des rencontres avec des passeurs de Mémoire, comme Ginette Kolinka.

Les mémoriaux pour la Shoah jouent souvent le rôle d’entremetteurs. « Les professeurs demandent au mémorial [de la Shoah à Paris ndlr] de trouver des témoins pour faire des interventions dans les classes, raconte une ancienne médiatrice culturelle du musée. Il arrange aussi des ateliers sur les notions de complot, de désinformation, de préjugés etc. » Le but de ces travaux étant de faire comprendre que l’antisémitisme peut conduire aux pires atrocités.

Des atrocités commises par la froide barbarie nazie. Que l’État français essaie de combattre avec ses propres armes. Au premier rang desquels : la Mémoire. « Le travail de Mémoire passe par l’éducation des enfants et des adolescents en s’appuyant sur l’enseignement de l’histoire en classe, indique le ministère de l’éducation. La journée du 27 janvier est l’occasion pour la communauté éducative d’engager une réflexion sur les génocides et de rappeler les valeurs humanistes et les principes juridiques qui fondent notre démocratie. » Une démarche à destination des jeunes générations, plus de soixante-quinze ans après l’apparition au grand jour des crimes commis par les nazis.

Une poignée de ces jeunes-là était présente mercredi 27 janvier à la commémoration organisée dans l’enceinte du mémorial de la Shoah. Réunis autour de la grande croix de David, au centre de l’immense pièce du musée, des élus, des élèves et de jeunes ambassadeurs de la Mémoire se sont donc retrouvés pour rendre hommage aux victimes de l’Holocauste.

À 600 kilomètres de là, les lycéens de Joseph Gallieni profitent des dernières minutes en compagnie virtuelle de Ginette Kolinka. Ces passeurs de Mémoire sont de moins en moins nombreux. Quand ils auront tous disparu, il incombera aux  jeunes générations de transmettre l’histoire de leurs aïeux.

Ismaël Bine